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ALPHONSE DAUDET

mots l’ennuyaient, ainsi que ces jeux oratoires où chacun juge d’après son tempérament particulier, sans tenir compte de celui d’autrui. Quoi qu’en aient cru les critiques superficiels, trompés par son monocle et son scrupule, le microscope n’était pas son affaire.

La meilleure preuve de ceci est la courbature que lui procurait ce qu’on est convenu d’appeler « l’art pour l’art ». Il répétait cette formule avec une physionomie étonnée, car nul n’admit moins le « cliché de conversation ». L’insincérité le faisait bâiller : « Ce qui n’a point ses racines dans la nature est mort. Je connais bien, parbleu, l’apologie de l’artificiel. Baudelaire l’inventa comme arme de guerre en haine des sots et des bourgeois. Rien ne vieillit, ne perd ses dents comme l’étrange. Les Fleurs du mal, les Petits poèmes en prose sont des merveilles, quintescences de vérité, pierres précieuses arrachées aux profondeurs du sol moral. Mais les imitateurs en toc se sont figuré qu’eux aussi pourraient construire et habiter le kiosque en marqueterie dont parle Sainte-Beuve. Quelle présomption ! »

S’il aimait le contact des hommes, s’il excellait à lire les plus humbles caractères et à coordonner toutes tendances d’esprit, toutes habitudes, tous « plis » fonctionnels, il chérissait aussi la soli-