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L’HÉRÉDO.

même un juge plus clairvoyant et plus sévère.

Hartmann et ses émules ont avidement et puérilement recherché l’inconscience à travers la nature. Or, l’homme est un fabricateur de conscient. Son éminente dignité vient précisément de son aptitude à « conscienciser » la nature et à l’humaniser. Il s’agit donc pour lui de perfectionner sans cesse sa connaissance du moi et du soi et sa maîtrise du soi, non de les affaiblir. À la formule, excellente mais insuffisante, « Connais-toi toi-même », je substitue celle-ci : « Agis ton soi ».

L’introspection a été, à travers les âges, le privilège d’un petit nombre de personnes. Quelques-unes sont arrivées à noter, du promontoire le plus avancé de la conscience, ce gonflement, puis cet éclatement des éléments héréditaires du moi sous l’influence de l’instinct génésique. J’ai déjà cité le Hamlet de Shakespeare. L’amour, d’ailleurs fugitif, que le prince danois éprouve pour Ophélie éveille, modèle, puis éparpille en lui tout un cortège de figures sentimentales ou burlesques. Mais c’est dans la musique et chez le plus passionné des musiciens, chez Beethoven, que nous trouvons, magnifiée et rythmée, la plus grande