Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
LE HÉROS ET SON CONTRAIRE.

avec elle, et elle veillait jalousement sur ce trésor moral, dont elle devinait l’importance. Elle répétait aussi que la mort lui était indifférente, « puisqu’elle demeurerait telle quelle après ». Comme je lui demandais quelle représentation elle se faisait du Paradis, elle me répondit : « On y jouit de la présence de Dieu et l’on n’a pas besoin de se débattre pour demeurer libre »… Quand j’évoque un soi complet, je pense à Marie l’infirmière et à mon maître Potain.

L’un et l’autre étaient sans orgueil. Le véritable héros, le véritable soi ignore l’orgueil, lequel nest autre chose q’un sentiment de fausse force, d’illusoire plénitude, procuré par le nombre et la diversité des hérédismes. L’orgueilleux se croit riche et puissant, parce qu’il distingue confusément les reflets de son héritage, sans distinguer les dangers de cet héritage. Il songe : « Comme je suis peuplé ! » Dans le délire des grandeurs caractérisé, qui marque l’épouvantable victoire des hérédismes sur le soi, le patient déchaîne cette outrecuidante illusion, il tombe en proie à sa lignée, il s’aliène. La logique intérieure continuant à fonctionner sous le désordre mental, il conclut