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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— À combien de femmes avez-vous fait ce compliment ?

— Je ne suis pas flatteur. Tous mes amis vous le diront. Demandez à l’amiral Maxse,

— L’amiral Maxse ne parle qu’avec votre permission et il est toujours de votre avis.

— Un ami véritable est ainsi. Vous avez vu le satyre, cette semaine ?

— J’ai pris le thé dans son atelier.

— Et lui, qu’est-ce qu’il vous a pris ?

— Taisez-vous, vilain personnage.

— Vous savez pourquoi je l’envie…

— C’est tout naturel que j’aie posé pour lui, il est mon professeur.

Clemenceau rit :

— Vous êtes adorable et l’on ne peut pas vous en vouloir. J’ai une baignoire demain pour la Comédie-Française. On joue du Musset. Y viendrez-vous avec moi ?

— Certainement.

— Nous irons souper en sortant ?

— Avec plaisir. Où cela ?

— Chez Paillard, sur les boulevards.

— J’y ai été avec maman et Elsa. C’est un bon endroit.

Clemenceau ne pensa tout le jour qu’à cette soirée. Il se regardait dans son miroir avec sa moustache et son crâne dénudé. Il se répétait : « C’est un peu bête. » Il aurait voulu faire marcher la pendule avec ses doigts et il avait, quoi qu’il fit, devant les yeux, ce beau et fin visage, ces regards clairs, cette taille incomparable, le tableau d’Helmuth.

— C’est à se faire peintre, ma parole d’honneur, Mais il est un peu tard pour que je me mette à la palette…