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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Cette question de chiffre préoccupait toujours l’auteur des Rougon-Macquart.

Victime récente d’une calomnie atroce, Clemenceau voyait dans l’attaque de Zola une certaine revanche de son cas à lui et cela faisait passer au second plan la question de la Revanche tout court, pour laquelle on ne pourrait se passer des services de l’État-Major vilipendé par l’auteur de la Débâcle.

Son point d’appui moral était Scheurer-Kestner, dont il connaissait l’ardent patriotisme : « Il ne se jetterait pas dans une pareille histoire, si sa conviction de l’innocence n’était pas absolue. » N’importait-il pas, avant tout, de signaler les brebis galeuses d’un haut commandement sur qui pèserait, en cas de guerre, la plus lourde responsabilité.

— Qui est ce général Mercier ? demanda Rance… un réactionnaire sans doute.

— Hanotaux, qui l’a vu de près lors de l’arrestation, le dit froid et énigmatique, mais ayant le don d’exposer son sujet et convaincu de la culpabilité.

Ainsi parlait Bernard Lazare en se frottant les mains, car l’affaire, cette fois, était dans le sac et il n’avait mis que quelques mois pour arriver à ce résultat. Mais quelle ténacité il lui avait fallu ! Quant à Mirbeau, qui s’était contenu jusque-là, il explosa :

« Ce Mercier est sûrement un nationaliste, donc un assassin. Tous les nationalistes sont des assassins. C’est bien connu. »

Clemenceau sourit avec indulgence. La nature de Mirbeau, son goût de la bataille lui plaisaient. Il venait quotidiennement à l’Aurore et remplissait les bureaux de ses imprécations. Il se tourna brus-