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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

poignée de main. Il avait de mauvais renseignements sur l’âme damnée de Malvy, Leymarie, directeur de la Sûreté Générale, qu’il appelait, dans l’Homme enchaîné, « le Raspoutine de la Maison ». Mais il préféra, connaissant la pusillanimité des sénateurs, dénoncer en deçà de son dossier. Influence sourde du parlementarisme.

L’effet du discours n’en fut pas moins immense, et toute la nation en tressaillit. C’était la saison des vacances. Les gens le lisaient — il avait été tiré en brochure — et le commentaient dans les trains. Ce ne fut qu’un cri à l’arrière, comme dans les tranchées : « Clemenceau au pouvoir ! » Une cristallisation s’opéra autour de son nom, avec tant de force et de soudaineté que Poincaré lui-même jugea la résistance impossible, quelque horreur qu’il eût de son ancien collègue et ami, et promit, au départ de Painlevé, d’appeler le Vieux à la présidence du Conseil.

Painlevé tomba sur une lettre de dénonciation du co-directeur de l’Action Française en date du 30 septembre 1917, adressée au Président de la République, qu’il crut devoir lire à la tribune et qui mettait en cause, de façon plus formelle et crue que ne l’avait fait le Vieux au Sénat, le ministre de l’Intérieur. Il devenait impossible de poursuivre l’auteur de cette lettre privée en Cour d’Assises, puisque c’était Painlevé qui avait commis le délit de la rendre publique à la tribune ! Par-dessus le marché, Painlevé, soufflé par Caillaux, s’avisa d’impliquer les directeurs de l’Action Française dans un complot imaginaire, dit de la Panoplie, parce qu’il reposait uniquement sur la constatation, dans le bureau de Marius Plateau, héros de la guerre, secrétaire général de l’Action Française et