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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/205

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

des Camelots du Roi, d’une panoplie composée d’un vieux fusil, d’un sabre de la série Z, de pistolets hors d’usage. Le rire de Paris fut universel ; Painlevé, piteux et bredouillant, dut donner sa démission, après un vote qui le ridiculisait. Le salon Greffulhe et les défaitistes perdaient ainsi leur principal soutien. Clemenceau, brouillé avec Painlevé, en dépit de l’amitié de celui-ci avec son frère Paul, entrait en scène.

Vaincu, Poincaré fit appeler Clemenceau et lui demanda, dans les termes les plus corrects, de former le Cabinet.

Clemenceau, en termes brefs, accepta. Ledit Cabinet était, depuis plusieurs semaines, tout prêt dans sa tête, mais en fait ne comportait que lui. Les autres s’appelaient Pichon, Pams, Klotz (finances), Loucheur, Boret, Claveilles, Leygues, Lafferre, Clementel, Colliard, Jonnart. Peu importait. Le public, « la bonne racaille de France », comme disait Barrès, devenu, sur le tard, clemenciste, ne regardait même pas ces noms à la première page des journaux. Seul celui du président, investi non seulement de la confiance, mais de l’emballement général, lui importait. Une communication mystérieuse s’était établie entre le Vieux et trente-quatre millions de Français. Il représentait non pas seulement la confiance, mais la certitude de la victoire. Ce sentiment sauta les tranchées, pénétra en Allemagne et fit, par la suite, écrire au Kronprinz, ou, plus familièrement, à Kron, que l’arrivée au pouvoir de Clemenceau avait signifié, pour les grands chefs de l’armée allemande, la défaite rapide et assurée. Nous le savons par les Mémoires de cet impétueux garçon, qui avait mis toute sa confiance dans le fantaisiste Falkenhayn