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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/260

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

destinée que celle de ce Max de Bade, élevé à la Chancellerie à l’heure la plus difficile peut-être de l’histoire d’Allemagne, depuis la guerre de Trente Ans et qui eut à enregistrer les résultats, politiques et militaires, des insanités grandiloquentes de Guillaume II et de sa diplomatie.

C’est à ce moment que Clemenceau, toujours en état second, entra dans une période euphoristique qui devait l’accompagner jusqu’à la signature du traité de paix, à Versailles, et qui ne cessa, mais pour de bon, que lors de l’attentat de Cottin. Cet état, si particulier, lui aussi, et auquel n’échappent, ni les grands capitaines, à l’apogée de leur succès, — c’était ici le cas, — ni les grands amoureux, en pleine possession de l’objet aimé, parmi les baisers et les étreintes, ni les grands savants, à l’aboutissement de leurs recherches, ni les poètes parvenus au chef-d’œuvre, et quelquefois comme Mistral, de très bonne heure, cet état rend l’homme d’action, son bénéficiaire, exposé aux épreuves et aux attaques de tout ordre, et, littéralement, le désarme, C’est alors qu’il se réconcilie, en fait ou en pensée, avec ses anciens adversaires (ainsi fit Clemenceau avec la mémoire de Gambetta et avec celle de Déroulède), qu’il concède au souvenir de celui-ci ou de celui-là ce qu’il ne devrait jamais concéder, qu’il pardonne ce qu’il ne devrait point pardonner, qu’il préfère la confusion des lignes à leur netteté. On s’en rendra compte à la lecture du discours extasié de Clemenceau à la Chambre des Députés, le 18 octobre, six jours avant l’irruption à Paris des journaux annonçant que l’Allemagne implorait carrément la paix. Clemenceau rendant, depuis novembre 1917, à la tribune, un prestige qu’elle avait perdu depuis longtemps, dit ceci :