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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Chaque fois qu’il rencontrait Capus, il lui disait :

— Quelle collection de couillons, hein, vos collègues ? Et ils sont toujours dans le même état d’esprit ?

— Exactement.

— Qu’en pense Barrès ?

— Il est des plus enragés pour votre candidature.

— Alors je ne suis plus un traître, vendu à l’Angleterre ?

— Vous êtes le sauveur de la Patrie.

— J’ai de la peine à m’y habituer. Peut-être m’y habituerai-je quand j’aurai l’épée au côté. Ça coûte cher, ces trucs-là ?

— Très cher. Je n’ai pas encore complètement payé mon habit vert.

— Vous me direz comment vous avez fait.

Capus, pour une telle besogne était habile et entreprenant. Si gentil qu’on ne pouvait rien lui refuser. Mais Clemenceau voulait en avoir pour sa taquinerie naturelle, cette « méchanceté des bons », a dit Hugo.

— Vous pensez que, si Lemaître vivait, il aurait voté pour moi ?

— Des deux mains.

— Et si j’avais été le concurrent de Déroulède ?

— Il aurait encore voté pour vous.

— Malgré Cornelius Herz ?

— Malgré Cornelius Herz.

— En somme si Cornelius Herz, mon corrupteur, se présentait aujourd’hui, avec ma recommandation, à l’Académie, il passerait comme une lettre à la poste ?

— Je ne dis pas cela.

— Non, mais vous le pensez. Quelle drôle de