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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Fort galant homme, et d’une courtoisie raffinée avec les, femmes — toujours le prince paysan — il se disait antiféministe. Il partageait sur elles l’avis de Molière, alors que je suis partisan des femmes savantes, à condition qu’elles ne mettent pas leur science en avant. Il n’avait pas été heureux en ménage et cela explique tout.

La dominante de son caractère semble avoir été le point d’honneur, que lui avaient inculqué ses parents. Il eut de bonne heure le mensonge en horreur comme en témoigne son débat historique avec Czérnin, traité par lui de « conscience pourrie ». La perfidie, la méchanceté, le rebutaient, alors que tout mouvement spontané, que le moindre trait de générosité lui allait au cœur.

— À travers tout, il y a du bon, là.

Peu d’hommes eurent à ce point le sens du ridicule et en usèrent avec la même profusion. Par contre, la vraie valeur ne lui échappait pas, et, accompagnée de modestie, l’enchantait. D’où son attachement pour Claude Monet, auquel il rendait de fréquentes visites et qui n’était jamais content de ses toiles, si surprenantes et lumineuses qu’elles fussent : les Grecs, Démosthène, Claude Monet, tel était le cercle étroit de ses admirations et sympathies majeures. Le peintre des cathédrales, des meules, et des nymphéas était en effet une grande figure, avec sa barbe, ses yeux noirs, sa parole brève et assurée. De tous les peintres connus il est le seul qui ait su rendre l’éclaboussement du soleil, quand il se lève à l’horizon, puis, quand, à midi, il incendie tout.

Vers la fin de sa vie, Clemenceau pensait perpétuellement à la mort, assurant qu’il n’y avait rien derrière elle que chimères et mythes. Mais alors