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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Sur la question de savoir quel était le pire des parlementaires, le Vieux, vers la fin, répondait : « Le plus mauvais, je vais vous le dire… Je n’ai jamais pu le trouver. Quand je croyais avoir trouvé le plus mauvais, immédiatement, j’en trouvais un pire. » Pour Poincaré en particulier, il l’appelait le Meusosaure, ou serpent de la Meuse, une petite bête vive, sèche, désagréable et pas courageuse. Le meusosaure n’aimait pas se battre. C’est sa prudence qui l’a conservé jusqu’à nous. Un animal assez déplaisant, comme vous voyez, et dont heureusement on ne connaît plus qu’un exemplaire. »

Mais lors d’une visite que je lui fis, rue Franklin, peu de temps avant mon départ pour l’exil, je lui appris les étonnantes aventures matrimoniales de Poincaré, bien connues de Mgr Baudrillart, son collègue de l’Académie, fort strict comme l’on sait sur les canons de l’Église et que Clemenceau ignorait. Les détails que je lui fournis le mirent en jubilation. J’avais amené avec moi mon jeune fils François qu’il envoya jouer au jardin. Quand nous fûmes seuls, il me demanda encore certaines précisions, que je lui fournis :

— Pourquoi, me demanda-t-il, n’avez-vous pas raconté cela publiquement ? C’eût été de bonne guerre.

— J’ai eu pitié de qui vous savez,

— Avaient-ils eu pitié de votre douleur paternelle ?

Il me dit alors qu’il avait conservé une lettre de mon père, écrite quelque temps avant la mort d’Alphonse Daudet, où celui-ci me confiait à lui, comme un jeune carabin à son ancien. Parti de là il continua textuellement (j’avais pris des notes) :