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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

genoux, venaient rejoindre Poincaré, Briand et les autres, bénéficiaires abâtardis de leurs excès et de leurs illusions. Toutefois il restait l’art et la science.

Les gens très âgés remontent volontiers à leur enfance. Clemenceau n’échappait pas à la règle. Il franchissait la barrière de la guerre récente et revoyait la Vendée de jadis, l’école de Nantes, les camarades, presque tous disparus. « En avant par delà les tombeaux ! » La vivacité du souvenir. ranime les temps écoulés.

Certains affaiblissements bizarres et soudains, certains troubles urinaires intermittents lui ayant donné à réfléchir, il écrivit sur une grande feuille de papier, d’une main assurée, les lignes que voici :

« Paris, 28 mars 1929.

Ceci est mon testament. Je veux être enterré au Colombier, à côté de mon père. Mon corps sera conduit de la maison mortuaire au lieu d’inhumation sans aucun cortège, ni cérémonie d’aucune sorte. Aucune ablation ne sera pratiquée. Ni manifestation, ni invitation, ni cérémonie. Autour de la fosse, rien qu’une grille de fer sans nom, comme pour mon père. Dans mon cercueil je veux qu’on place ma canne à pomme de fer, qui est de ma jeunesse et le petit coffret, recouvert de peau de chèvre, qui se trouve au coin gauche de l’étage supérieur de mon armoire à glace. On y laissera le petit livre qui y fut déposé par la main de ma chère maman. Enfin on y joindra deux petits bouquets de fleurs desséchées, qui sont sur la cheminée de la chambre qui donne accès dans le jardin. On mettra le petit bouquet