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LE MONDE DES IMAGES

ments verbaux (paroles en rêve) et fonctionnels (somnambulisme). La mémoire personnelle et la mémoire héréditaire affleurent à l’entendement, avec leurs atmosphères, leur cortège de circonstances arrières et avant (pressentiments). Car le pressentiment (qui se vérifie de temps à autre et, chez quelques uns, périodiquement) est comme une induction anticipée d’un arrangement de circonstances passées. Il construit l’avenir inconnu avec les éléments, antérieurs et mnémoniques, de la connaissance. Il est donc, comme opération mentale, étroitement lié à la découverte, de laquelle il se distingue en cela qu’il n’est valable que pour une fois, que jamais il ne deviendra loi, qu’ainsi il participe de l’avant-mot, plus que de l’image du mot, et n’emporte pas la certitude.

En fait, le pressentiment est fréquent, presque aussi fréquent que le projet, mais il se réalise fort rarement. Il relève de ces états d’esprit où une seule réussite masque une foule d’insuccès. Il n’appartient pas d’ailleurs spécifiquement au rêve, mais, se détachant mieux sur l’ombre du sommeil, il y est plus facilement remarqué. Chez certains, il fait alliance avec une personimage, et tourne alors à la superstition et à la manie, suivant les procédés que nous avons décrits au chapitre du dérèglement intérieur des hérédofigures.

En dépit du beau vers d’Hamlet

« To dead, to sleep, to dream perhaps »
Mourir, dormir, rêver peut-être,