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LE MONDE DES IMAGES

source du dormant ; mais il étend le champ de l’impossibilité au delà du réalisable, par la suppression de l’obstacle et l’aplanissement de toutes les contingences. Il admet mollement le miracle comme le postule la foi, avec cette différence capitale qu’il l’admet sans aucune certitude intérieure ; car le rêve est le domaine du doute, aisément transformable en angoisse et en terreur. À la base de toute crainte, il y a le doute, comme chaque songe porte en soi le développement et l’issue du cauchemar. Le doute est le tâtonnement de la nuit intérieure.

Un grand nombre de rêves échappent à la mémoire individuelle, ou ne laissent en elle qu’un presque insaisissable vestige. Nous ne nous rappelons que les rêves qui suivent immédiatement l’entrée dans le tunnel du sommeil, ou ceux qui précèdent immédiatement sa sortie. L’observation prolongée d’un dormeur nous le montre cependant agité, secoué quelquefois par des songes, dont il ne conserve ensuite aucun souvenir. Ces songes, agissent obscurément sur la personne et accumulent, à la longue, en elle un fond d’humeur capricieuse, qui vient renforcer les humeurs issues des alternatives héréditaires. Il y a ainsi des êtres qui ont deux formes de rancune, ou de jalousie, ou de pitié, ou de scrupule : l’une, la plus marquée, dépendant de leurs personimages et hérédismes ; l’autre, passagère et plus floue, tenant à leurs songes, débris eux-mêmes de leurs figures héréditaires ; l’une d’origine