Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/45

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Or, en examinant les images qui se succèdent dans la pensée de chacun de nous, en considérant comment elles s’enchaînent dans le langage, la littérature et les arts différents, ainsi que dans les sciences touchant à l’homme et à sa constitution, j’ai été amené à cette conclusion qu’elles forment, pour un même moment de la vie individuelle, des ensembles, des figures, des formes, ce que j’appelle des personimages (persona… imago). Elles sont, ces images flottantes et mobiles, comme les pièces des déguisements ancestraux que revêt continuellement, successivement notre soi, comme des fragments de nos moi divers. Ce ne sont pas seulement les aspects physiques, moraux, les penchants et habitudes de nos ascendants qui revivent en nous par larges ondes, à la ressemblance et en prolongation de ces ascendants. Ce sont encore leurs systèmes verbaux, visuels, auditifs, tactiles, organiques, sexuels, et les images suspendues à ces systèmes, ainsi que les fruits le sont aux arbres. Ce que nous prenons pour des aspects séparés, des sensations séparées, fugitives, stables ou obsédantes, n’est que parties et débris ou reflets de personnages ranimant en nous les parents ou ascendants. Association d’idées, si vous voulez, mais comme la peau de notre main est associée à celle de notre visage, comme l’œil droit est associé à l’œil gauche et l’orteil droit à l’orteil gauche. Nous n’imaginons point fragmentairement. Nous imaginons par système héréditaire, par personnage intérieur, par ancêtre, au gré du soi