Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/51

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soit le sentiment le plus évocateur en nous des personimages, soit qu’il les fixe, jusqu’à l’obsession et à la douleur, soit qu’il les dilacère en perversions, en phobies, en automatismes, en réflexes de tout genre ; et qu’il en sème le champ, plus ou moins éclairé (selon l’intensité du soi), de la conscience.

Celui qui aime, quelle que soit la catégorie de son amour, aime l’image qu’il se fait de la personne aimée (voir Ovide, l’Art d’aimer), et cette image est, bien entendu, une personimage, suscitée par une ressemblance, ou l’illusion d’une ressemblance, un contraste, ou l’illusion d’un contraste. Telle est l’origine de toutes les variétés amoureuses, décrites par Stendhal et autres, depuis l’amour goût, l’amour fantaisie, jusqu’à l’amour ferveur et à l’amour mystique, ou mystico-sensuel. De là l’impression d’augment de la vie, de décuplement des forces, de hantise générale et peuplée, qui s’impose aux amants et qui les replie sur eux-mêmes, jusqu’à les arracher au monde extérieur. Ils sont proprement des somnambules, en perpétuel état de transe. Il y a un attrait, en même temps qu’un agréable tourment dans cet état, et sa cessation, par effacement graduel ou faille subite de la personimage, procure la sensation du désert, du néant, du silence mortel.

L’amour frénésie (et qui peut mener ses victimes au désespoir et au suicide) est un état tel qu’à la pensée de l’objet aimé, des personimages puissantes se succèdent, ardemment et violemment, dans l’esprit