Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/69

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partiellement notre organisme, ses gestes habituels sont mêlés à nos gestes, son accent à notre accent, et nos organes, invisibles ou peu visibles, se modèlent sournoisement à sa ressemblance.

Car le corps, il faut s’en rendre compte, est, ainsi que l’esprit, en perpétuel mouvement ; du point de vue héréditaire, qui est le nôtre, il constitue la prolongation, et comme la solidification, sans cesse transformée, de l’esprit. Mens agitat molem. Le développement de l’enfant en adolescent, puis en homme, puis en vieillard, c’est une multitude de pensées, c’est une multitude de formes héréditaires qui se développent, sous le gouvernement, bien entendu, du soi immortel et intransmissible. C’est un véritable système psycho-stellaire, d’une rapidité fulgurante, incalculable. Les mesures et repères nous manquent pour concevoir les vitesses infinies des bolides d’images à travers l’immensité humaine, comme pour calculer la force explosive de la cellule sexuelle qui propage la vie.

L’acte excessif qu’est le crime concerté, et le remords, avaient développé en lady Macbeth une personimage, à la voix changée, non plus altière et douce, mais soupirante, qui se frottait les mains, pour laver la tache ineffaçable. On sait le rôle des spectres dans Shakespeare. Ce grand homme était trop hanté lui-même par les figures héréditaires, dont il se délivrait dans ses drames, pour ne pas les avoir pressenties. Balzac, par contre, n’y fait aucune allusion. C’est qu’il était attentif à la projection