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Page:Léon Daudet - Les morticoles, Charpentier, 1894.djvu/73

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CHAPITRE III


Le lendemain, la visite recommença, puis le déjeuner, puis la contre-visite, puis un défilé d’événements touchants ou tragiques, mais qui marquèrent moins que les premières empreintes. La barbe rousse commençait à vomir sans trêve, et son affaiblissement graduel n’arrêtait pas ses invectives. Mon voisin de gauche revenait peu à peu à l’existence. Je voyais sa figure se refaire pièce à pièce, heure par heure, tel le givre en dessins sur la vitre. C’est étonnant comme un visage détruit repousse avec rapidité. Il était d’ailleurs fort laid, ce masque réviviscent, et correspondait à un bas-fond d’être indéfinissable, à quelque amalgame végétatif de chair et d’âme.

À chaque instant, dans cette salle d’attente de la mort, arrivaient des brancards rouges et gémissants. Je pus me convaincre, par la coulisse, de la brutalité des Morticoles. Je soupçonnais même le syndicat des médecins de favoriser cet état de choses ; mais mon charretier m’affirma qu’il n’en était rien, que l’abondance des fléaux et accidents tenait au manque de pitié et au développement scientifique. Je me rappelle les brûlés, leurs plaintes issues d’un moignon de larynx, leur charbonneuse pâtée de figure, la peau se détachant par lanières avec les habits que l’on coupe. On les enduit de beurre et de glycérine, puis on les laisse souffrir tant qu’ils veulent dans leur onctueux cercueil de coton. Un de ces misérables remplit, pendant