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DEVANT LA DOULEUR

traqués, traités en ennemis publics, parce que leurs travaux contredisaient les conclusions d’un pontife en robe rouge, d’un mandarin ! Ce qui m’a toujours étonné, c’est la docilité avec laquelle, jusqu’à ces toutes dernières années, les victimes se laissaient molester ou dépouiller, subissaient des iniquités sans nom, un joug intolérable. Le pli était pris et il semblait que ces détestables mœurs fussent acceptées de ceux mêmes qui en souffraient davantage. Craignaient-ils, en protestant, de se fermer toutes les portes, tous les accès, de se condamner à la mendicité ? Était-ce lassitude et dégoût, ou résignation ? Maintes fois, depuis que mes amis et moi avons fondé à Paris un journal royaliste quotidien complètement indépendant, j’ai fait savoir aux médecins de valeur, opprimés et brimés par le haut personnel de l’École, que nous mettions l’Action française à leur disposition. Ils n’ont encore tenté aucune offensive de délivrance partielle, en attendant le changement de régime qui seul les libérera complètement ; car le mal dont ils souffrent est, je le répète, politique. La Faculté de Paris se meurt de la centralisation jacobine, de la filière napoléonienne des concours, de l’intrusion de la politique et des clans dans la profession médicale. Cela est clair comme la lumière du jour. Des gens dont le métier est de remonter des effets aux causes ne peuvent pas en douter une minute. Alors, qu’attendent-ils pour se libérer ?

L’actuel doyen, le papa Landouzy, était, avant le décanat, un excellent homme, aimé et respecté de tous. Non pas un aigle évidemment, mais les aigles à présent se font rares. Une fois pourvu de cet emploi administratif, il perdit toute espèce de caractère, devint le jouet des politiciens, le subalterne du préfet de police, — un vaniteux incapable du nom de Lépine, — appela les gardiens de la paix, pour rétablir l’ordre troublé dans l’École à l’occasion des manifestations contre le concours de l’Agrégation. Il y a vingt ans, une semblable mesure, contraire à tous les usages et à la simple dignité, eût coûté sa place au pauvre Landouzy. Elle passa comme une lettre à la poste et ceci n’est pas un bon signe quant à l’énergie des nouveaux maîtres.

Avant d’achever le véridique tableau de la décomposition, par le régime républicain, de ce grand corps que fut la Faculté de médecine de Paris, je veux insister sur un point délicat mais