Page:Léon Daudet - Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux (I à IV).djvu/237

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CHAPITRE IV


Le Zola maigre. — L’agitation de Maupassant.
Sardou, Dumas fils, Meilhac, Louis Ganderax. — Les débuts
du Théâtre Antoine. — Opinions de Sarcey. — Francis Magnard.
Le dîner de la banlieue ou « des types épatants ».
Les soirées de Mme  Dardoize. — Un dîner chez Banville.



Reposons-nous un moment de la médecine et des bons docteurs, en revenant à la littérature, au théâtre, à la politique, pendant cette époque trouble que traversa le courant du boulangisme. Dans notre monde déjà antiparlementaire, mais complètement aveugle sur la nocivité essentielle du régime républicain, deux événements produisaient une impression considérable : l’amaigrissement méthodique, systématique d’Emile Zola, la folie commençante de Guy de Maupassant. Seuls, ceux qui ont fréquenté assidûment le groupe des écrivains et des journalistes — entre 1885 et 1892 — peuvent se rendre compte de l’importance extraordinaire qu’on attacha à ces épisodes. Je ne puis y songer sans sourire.

À distance, cette modification dans l’état physiologique de l’écrivain le plus dégoûtant, sans contredit, du XIXe siècle, prend quelque chose de comique. Alors on en parlait — et surtout Zola lui-même — gravement. Comme il le répétait d’une voix rageuse, en fixant Aurélien Scholl aux aguets derrière son monocle : « Que voulez-vous, ve n’ai pas d’esprit… Les peintres des maffes n’ont pas d’esprit ».

C’était le temps en effet où, sous prétexte de peindre « des masses » et de dresser le plan en relief et en odeur de ses Rougon, Macquart, Saccard et Cie, il dévorait indistinctement des