Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

puis, jusqu’à dix-huit et vingt ans, elles s’exilent encore, absorbées par l’idée du brevet supérieur à conquérir, sans autres préoccupations que celles des compositions et des examens ; elles ne prennent même pas assez d’exercice et de récréation. De sorte qu’elles ont peu de santé, des mines graves et ennuyées, des amitiés romanesques pour leurs maîtresses et pour leurs compagnes et que, de plus, elles sont profondément pénétrées de leur propre supériorité.

Ce sont des personnes de serre chaude ; leur savoir professionnel même est purement théorique : elles connaissent les enfants d’après leurs livres, elles apprennent à faire la classe « par principe ».

Les normaliennes sont des demoiselles qui ne savent ni raccommoder, ni enlever une tache, ni mettre le couvert ; jamais elles n’ont touché un balai, un torchon, un fer à repasser (l’économie domestique n’existe dans le programme qu’à l’état doctrinal) ; quelle peut être leur conception des rapports entre les divers éléments sociaux ?

On prépare ces élues à être tout, excepté de vraies femmes et des mères intelligentes et bonnes. Et ce sont ces demoiselles, névrosées et pédantes, incapables de s’assurer la santé, la gaieté, de se servir elles-mêmes, de participer au travail commun de la cuisine et du nettoyage, — ce sont ces « précieuses » totalement ignorantes des individus, des groupes, des concurrences matérielles, qui se chargent de soigner l’enfance, de former l’intelli-