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la maternelle

Les impressions de ma première journée furent diverses et fortes.

Un étonnement, dès le début : je n’étais pas seule de service, j’avais une collègue, particulièrement chargée de la cantine et du bureau de la directrice, mais tenue aussi de me seconder : Mme Paulin, une femme d’aspect torchon et bienveillant, de type méridional, brune, solide, vive et d’âge indéterminé : j’aurais hésité entre trente et cinquante ans.

M’ayant regardée mettre mon tablier bleu sur ma jupe noire, elle me demanda fort naturellement :

— Vous n’avez pas déjà servi dans une brasserie ?

À huit heures moins dix, la directrice arriva dans le préau qui fut laissé grand ouvert : une salle de vingt mètres de longueur sur douze de largeur ; quatre fenêtres sur la rue, trois fenêtres et une sortie sur la cour de récréation. Comme aucune personne étrangère à l’école ne doit pénétrer dans les locaux, l’entrée du préau, après la porte, est défendue par une barrière à claire-voie dans laquelle est pratiqué juste le passage d’un enfant.

À huit heures moins cinq, ouverture de la porte de la rue par la concierge, une vieille, à la bouche cousue. Aussitôt, des enfants apparurent dans le préau, comme s’ils poussaient la trappe d’un piège. La directrice siégeant devant un pupitre, contre la balustrade, à droite, — leur consigne est de passer devant elle, de lui remettre, s’il y a lieu, les deux sous de cantine, d’aller poser panier, coiffure et vêtements, au bout de la salle, sous les fenêtres de