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la maternelle

Elle essuie le bout de son nez avec son bras nu et me rapporte du bœuf. Elle me regarde grignoter, maternelle, et son visage s’éclaire d’une lueur gaie qui me fait rougir :

— Faut bien que jeunesse se passe.

Et je devine qu’elle excuse, qu’elle admire mon anémie dont les causes folâtres ne lui échappent pas.

C’est une excellente personne ; son zèle amical baisserait, si elle savait qu’il ne m’est rien arrivé, mais rien du tout, dans cette jeunesse qui se passe.

Je bredouille, la bouche pleine :

— Merci, vous êtes trop aimable… je ne mangerai jamais tout ça… je vous assure que je suis très bien portante.

Une singulière pudeur m’empêche d’entrer en explications autres, et je perdrais contenance tout à fait, s’il me fallait fournir ce détail de conséquence :

« Avant d’être ici, je n’avais jamais quitté ma famille. »

Les enfants qui déjeunent à l’école défilent dans le préau et prennent leur panier, entre le lavabo et le calorifère.

Je distribue, avec Mme Paulin, les cuillères et les gamelles toutes servies, légumes et viande coupée.

— Silence et les mains au dos ! On ne commence pas à manger avant que la distribution soit complète.

Les enfants doivent apporter leur serviette, leur pain et leur boisson. Quelques-uns ont du vin,