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la maternelle

beaucoup trop de vin ; très peu ont du dessert.

Mlle Bord « est de service de déjeuner ». Nous secourons les tout petits, nous obtenons qu’ils fourrent au moins autant de nourriture dans leur bouche que sur la table et sur leur serviette.

Je suis captivée par Mlle Bord : son aspect, sa voix, tous ses procédés sont remplis de pédagogie. Je constate que sa froide et régulière beauté exerce une souveraine influence sur la gent écolière.

— Quel âge as-tu, toi ? demande-t-elle.

— Quatre ans.

— Eh bien, puisque tu as quitté ta place sans permission, tu n’as plus que deux ans ; voilà ta punition. Tu as beau me regarder, je te dis que tu n’as plus que deux ans, mon bonhomme.

Le bonhomme, navré, suffoquant, suit mademoiselle, avec des yeux de chien battu.

Autre algarade :

— Mais, voyez donc, Rose, celui-là qui plonge ses mains dans sa gamelle ! Toi, pour le coup, tu mangeras ton pain à l’envers. Tu la vois, ta tartine, je la retourne à l’envers et mors dedans, maintenant. Regardez tous, il mange son pain à l’envers !

Le malheureux, couvert de honte, baisse les paupières et mâche avec amertume.

J’ai oublié de dire que la directrice m’avait demandé très aimablement si je voulais bien qu’on m’appelât de mon petit nom, tout court, Rose. Si j’avais été mariée, on m’aurait donné mon titre de femme, comme à la cantinière, Mme Paulin. Mais