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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/161

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sont plus les simples cavernes du Magadha ou de Kalinga accommodées tout juste pour servir d’abris rudimentaires. Ce sont des œuvres d’art, qu’un Grec même pouvait admirer. Le spécimen le plus accompli de la nouvelle architecture se trouve à Karle ; James Fergusson, juge entre tous compétent, évoque à propos de la grotte de Karle l’Abbaye aux Hommes de Caen. Une nef voûtée, à nervures de bois, est flanquée de deux bas-côtés étroits et portée sur des piliers octogonaux couronnés d’un bulbe renflé au-dessus duquel s’allongent des éléphants accroupis dos à dos surmontés de personnages. Au fond, détaché en pleine lumière sur un abside sombre, le caitya, l’hémisphère aux reliques, élevé sur ce soubassement et surmonté du parasol royal. La façade, taillée en fer à cheval, est barrée jusqu’à mi-hauteur par un mur couvert de sculptures, percé de trois portes qui correspondent aux trois axes ; le haut, fermé par un écran ajouré, règle les jeux de la lumière comme les rosaces de nos cathédrales. Et, par une symétrie significative, à l’autre extrémité de l’empire Andhra, sur la rive sud de la rivière Kistna, près de son embouchure, face à l’Extrême-Orient, le stūpa d’Amaravatī, construit sur le type archaïque de Sanchi ou de Barhut, immense calotte de terre maçonnée, se décore d’innombrables bas-reliefs où se prolonge étrangement l’art du Gandhāra, mais avec un cachet plus romain et plus hindou. Les grands courants de la civilisation mondiale, qui longtemps ont effleuré l’Inde, l’ont maintenant pénétrée à fond, elle n’a rien perdu de son originalité native, mais ses voisins et ses envahisseurs lui ont appris à tirer de ses propres ressources un parti meilleur : un âge classique va s’ouvrir.