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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/175

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bien en raison de leur rigorisme orthodoxe, à procéder comme des architectes qui restituent intégralement un monument tombé en ruines et plus qu’à demi disparu. La foi, surtout alliée à la politique, n’a pas les mêmes préoccupations d’authenticité que la philologie. La renaissance zoroastrienne, presque à ses débuts, vit surgir un nouvel ennemi, d’autant plus redoutable qu’il lui devait en partie ses inspirations : le jour même où le second des Sassanides, Sapor I, recevait la couronne, le 20 mars 242, Mānī prononçait en public sa première prédication. Trente ans plus tard, un fils de Sapor, Bahram I (273-276), pressé par la fureur des mages, faisait mettre en croix le fondateur du manichéisme. La nouvelle religion sortait du supplice plus forte et plus vivante : habilement édifiée sur la base du dualisme avec des matériaux empruntés de toutes mains, animée d’un souffle ardent de moralité sévère, parée des séductions captivantes d’une imagination inventive où la raison pouvait découvrir des allégories profondes, elle marque entre Jésus et Mahomet le plus heureux effort de la création religieuse dans un monde en mal de croyances. On sait quelle résistance vivace elle opposa longtemps, jusqu’au fond de l’Occident, au christianisme déjà triomphant : les Cathares et les Albigeois mêlent à notre moyen-âge français le souvenir de Mānī. Dans l’Extrême-Orient, son succès ne fut pas moindre ; il y menaça le bouddhisme comme il menaçait en Occident l’Église chrétienne ; les fouilles de l’Asie Centrale attestent ses victoires dans les oasis du Turkestan chinois ; de puissantes tribus turques l’adoptèrent ; l’empire des Ouigours, qui domina le centre de l’Asie au viiie siècle, le reconnut dans sa religion officielle ; la