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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/176

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Chine eut dans ses grandes villes des temples manichéens. Mānī, d’ailleurs, s’était présenté comme le successeur du Bouddha. « La sagesse et les bonnes œuvres, écrivait-il, ont été apportées avec une suite parfaite d’une époque à une autre, par les Prophètes de Dieu. Elles vinrent en un temps par le prophète nommé Bouddha dans la région de l’Inde ; en un autre par Zoroastre, dans la contrée de Perse, en un autre par Jésus dans l’Occident. Après quoi la présente révélation est arrivée et la présente prophétie s’est réalisée par moi, Mānī, le vrai messager du vrai Dieu dans la Babylonie. » On comptait dans son œuvre plusieurs Épîtres aux Indiens. La trace la plus curieuse de ce syncrétisme audacieux subsiste dans cette Vie de saint Joasaph si largement répandue dans le monde chrétien tout entier, si populaire au moyen-âge, admise dans la Légende Dorée, et qui se réduit à un démarquage, trop transparent pour être contesté, d’une Vie du Bouddha, préalablement accommodée au goût manichéen. C’est vraiment l’honneur de l’Inde qu’une petite portion de son antique sagesse, véhiculée dans ce récit frelaté, ait pu laisser sur tout l’Occident une empreinte forte et durable.

Si le bouddhisme n’agit sur l’Occident que par des intermédiaires, et sous une sorte de déguisement, son action sur l’Extrême-Orient avait été directe et rapide. On se rappelle qu’un envoyé chinois à la cour des Yue-tche avait reçu, en l’an 2 av. J.-C., de l’héritier présomptif la communication orale d’un texte bouddhique qu’il avait rapporté en Chine. Bien d’autres encore, trop obscurs pour jamais émerger à l’histoire, voyageurs, marchands, soldats, secondèrent la propagande anonyme. En 61 apr. J.-C., si on en croit l’his-