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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/213

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L’empire de Harṣa a son berceau dans la terre sacro-sainte du brahmanisme, à Sthāṇvīçvara (auj. Thanesar) sur l’étroite levée de terre qui sépare le drainage de l’Indus et le drainage du Gange, le long du mince filet d’eau né au pied des montagnes et bientôt absorbé par les sables du désert, que la piété brahmanique vénère pourtant à l’égal du Gange « céleste », la Sarasvatī. C’est là le point d’équilibre entre les forces internes du génie de l’Inde en voie d’expansion et les forces du dehors en travail de pénétration. C’est là aussi les Thermopyles de l’Inde, barrière ou porte des invasions. L’épopée y place le Kurukṣetra, le « champ des Kuru » où les deux branches rivales de la famille de Kuru se disputèrent l’empire de l’Inde et du monde. C’est là, à Narayina, que le dernier défenseur de la liberté de l’Inde, Prithi Raj (Pṛthvī Rāja) réussit à repousser le champion de l’Islam, Mohammed Ghori (1191) ; là aussi, à Narayina, qu’il succomba l’année suivante (1192) sous une nouvelle attaque du farouche conquérant. Là encore, la petite ville de Panipat a vu se décider trois fois le sort de l’Inde : en 1526, la victoire de Baber installait à Delhi les Mogols ; en 1556, la victoire remportée par Bahram khan y ramenait Akbar à peine monté sur le trône ; en 1761 l’Afghan Ahmed shah y brisait la confédération marhatte qui avait su réveiller pendant un siècle l’esprit militaire dans l’Inde brahmanique.

Depuis les conquêtes des Huns sous Toramāṇa et Mihirakula, le pays de Sthāṇvīçvara n’avait pas cessé d’être le poste avancé de la civilisation indienne. Si l’empire indo-hephthalite s’était effondré après deux générations, les Hephthalites n’avaient pas disparu. Un empire asiatique n’est jamais qu’une vaste féodalité impatiemment