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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/243

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extrêmes confins nord-ouest de l’Inde, enfoncé comme un coin au creux des plus hautes chaînes, entre l’Hindou-Kouch et le Pamir, le pays d’Oḍḍiyāna (le Svāt actuel) avait édifié sur les bases de l’enseignement du Bouddha un système savant de magie, assez analogue par son inspiration et ses pratiques au chamanisme des régions sibériennes, plus occupé des démons à subjuguer que des dieux à adorer ; l’extase et la possession y jouaient un rôle prédominant. Le sanscrit de la haute littérature y cousinait avec des parlers montagnards de famille incertaine, élevés eux aussi à la dignité de langue sacrée. Le théologien de Nālandā eut la sagesse d’orienter de ce côté la dévotion du roi tibétain. Khri-srong lde-btsan chargea deux de ses ministres d’aller au pays d’Oḍḍiyāna pour en ramener Padmasambhava, le fils du roi du pays, qui passait pour le plus puissant des magiciens. Le prince était déjà en route, sur la frontière occidentale du Tibet, quand les messagers le rencontrèrent. Il les suivit. Sur ses conseils, sanctionnés par l’approbation de Çānti-rakṣita, le roi construisit (vers 770) le monastère de Sam-ye (proprement : Bsam-yas), qui subsiste encore aujourd’hui, riche de souvenirs et de trésors du passé, sans avoir rien perdu de son prestige séculaire. Il est situé à une cinquantaine de kilomètres de Lhasa, à une altitude de près de 4 000 mètres ; c’est, d’après la tradition, une copie du monastère d’Oṭantapurī, au Magadha ; c’est aussi le premier monastère élevé au Tibet. Pour organiser la vie ecclésiastique selon les règles, Khri-srong fit venir encore du Magadha douze moines de l’école Sarvāstivādin, qui formèrent un premier chapitre et conférèrent l’ordination à des novices soigneusement choisis. Il manda aussi de la Chine, de l’Inde, du Népal,