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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/244

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du Cachemire des religieux et des lettrés qu’il installa dans des écoles et des ermitages. Alors commença, dans une sorte d’emportement d’enthousiasme, un immense travail de traduction des textes indiens, sous la direction des maîtres hindous, avec la collaboration des élèves tibétains instruits dans les écoles de l’Inde et rentrés au pays natal, ou formés sur place par les missionnaires installés au Tibet. La besogne se poursuivit à travers les révolutions et les persécutions, avec le même enthousiasme, la même application, la même méthode, les mêmes procédés, jusqu’au xive siècle ; l’œuvre fut alors ordonnée en canon, et répartie en deux collections : le Kanjour (proprement Bkao-’gyur, « prescription »), qui comprend la masse des œuvres considérées comme la parole même du Bouddha, le Tanjour (proprement Bstan-’gyur, « enseignement »), qui constitue une espèce de patristique. Mais la piété des bouddhistes tibétains ne s’alimentait pas seulement d’ouvrages édifiants ; elle réclamait à l’Inde toutes les ressources de ses sciences. Le Tanjour n’est pas seulement une bibliothèque d’hymnes, de théologie, de scolastique, de commentaires et de gloses ; on y trouve des récits pieux, des contes moraux, un drame religieux ; on y a même incorporé deux systèmes de grammaire sanscrite, celui de Candra et celui de Kātantra ; un traité de métrique, le Chandoratnākara ; un traité de poétique, le Kāvyādarça de Daṇḍin ; le vocabulaire sanscrit d’Amara, même un des chefs d’œuvres de Kālidāsa, la délicieuse élégie du Meghadūta. La médecine, et même l’art vétérinaire de l’Inde, y sont représentés par leurs œuvres classiques. Il convient d’accorder une mention spéciale à la singulière et précieuse compilation de la (Mahā) Vyutpatti où sont réunis, classés par catégories,