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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/250

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par la nature, mais que le travail de l’homme peut enrichir par l’irrigation. C’est le « Turkestan Chinois » de nos cartes, une des régions, en apparence les plus étrangères aux préoccupations de l’humanité actuelle ; une population de langue turque et d’affinités turques y mène une sorte de vie rudimentaire sous le contrôle de l’administration chinoise. Et pourtant ce double couloir allongé d’ouest en est, pressé entre les glaces, les roches et les dunes, a joué un rôle capital dans l’histoire humaine ; avant que les mers subjuguées eussent ouvert de l’Europe à l’Extrême-Orient une voie facile et régulière, la Chine n’a pas eu d’autres communications avec le reste de l’Ancien Monde. C’est la route de la soie ; c’est la route de l’apostolat bouddhique ; c’est la route des armées, des trafiquants, des pélerins, des artisans inconscients ou volontaires de l’unité humaine. Les Turcs sont ici des nouveaux-venus ; à l’époque de Justinien, les Byzantins qui connaissaient de près et par expérience le monde turc, appelaient cette région d’un nom singulièrement expressif, la Sérinde, en combinant le nom classique des « peuples de la soie » (Sêr, plur. Sêres ; sericum « la soie ») avec le nom de l’Inde. « C’est que le pays, explique Procope, est généralement peuplé d’Hindous. » La culture indienne y était en effet si florissante à cette époque que plus d’un voyageur croyait y retrouver l’Inde. Et cependant, pour y parvenir de l’Inde, le chemin était réellement formidable : de palier en palier, par des gorges et des défilés à peine accessibles, il faut, de la plaine au Cachemire, du Cachemire au Ladakh, atteindre la passe de Karakoroum, à plus de 5 000 mètres, pour déboucher sur Khotan ; ou bien encore, en contournant le Cachemire