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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/256

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armée chinoise en plein Himalaya, au Pou-lu (Baltistan et Gilgit). Mais en 751 les Arabes infligent à ce général une défaite irréparable près de la rivière Talas ; la Chine n’a plus qu’à se replier à l’intérieur de ses frontières. Les Tibétains, qui l’ont remplacée d’abord, sont bientôt chassés par les Ouigours ; avec ceux-ci s’installe le manichéisme comme religion d’état (763). Après l’an 1000, c’est l’Islam qui règne à Khotan, à Kachgar, à Koutcha, en maître exclusif et fanatique. L’ancienne Sérinde a disparu avec la civilisation qu’elle avait due en grande partie à l’Inde.

C’était l’Inde qui avait apporté dans le pays entier le premier instrument de la civilisation, l’écriture. La région de Khotan avait d’abord adopté l’alphabet kharoṣṭhī, d’origine manifestement araméenne, introduit dans le Nord-Ouest de l’Inde, de la Bactriane au Gandhāra, par les scribes de la chancellerie achéménide ; cet alphabet y servait à tous les usages, documents privés ou publics et textes sacrés. Le plus ancien manuscrit indien qui soit connu, le Dhammapada acquis par Dutreuil de Rhins est tracé dans cette écriture. Mais l’écriture de l’Inde propre, la brāhmī, n’était pas ignorée. C’est même de la brāhmī qu’on a tiré, par d’ingénieuses combinaisons, les alphabets employés à écrire les langues indigènes quand elles sont à leur tour entrées dans la littérature : le khotanais (qu’on a appelé aussi « iranien oriental » ou nord-aryen), le koutchéen et le kharacharien (désigné aussi par le nom douteux de « tokharien »). Les Iraniens ont apporté leurs écritures propres : le sogdien, même le syriaque qui est purement sémitique ; les Turcs ont introduit leur écriture runique ; enfin le chinois, porté par l’administration, le