cœur, quelques rares privilégiés qui doivent à leur bonne fortune de n’effaroucher ni les susceptibilités des Anglais, ni celles des Gourkhas, obtiennent un permis temporaire de séjour. C’est aux hommes de science qu’échoit surtout cet avantage honorable. « Le marchand, dit un adage gourkha, amène la Bible ; la Bible amène la bayonnette. » La grande puissance d’Europe et le petit royaume asiatique s’entendent à reconnaître et à proclamer la neutralité de la science, qui appartient à l’humanité entière. Des Anglais, des Russes, des Allemands, des Français ont été autorisés à étudier ou à rechercher sur le territoire népalais les monuments du passé que le climat des montagnes et les institutions politiques ou religieuses du pays ont préservés contre toutes les causes de destruction qui sévissent dans l’Inde propre. Il y a six ans encore, le gouvernement gourkha a donné une nouvelle preuve du bienveillant intérêt qu’il porte à la science, en autorisant dans le Téraï les investigations archéologiques qui ont abouti à la découverte de Kapilavastu, l’antique berceau du Bouddha.
Ces concessions individuelles, accordées toujours à bon escient, après une enquête minutieuse, et contrôlées par une surveillance sévère, n’entament pas le principe de l’isolement systématique que le gouvernement gourkha suit avec une fidélité séculaire. Depuis la double épreuve de la guerre chinoise et de la guerre anglaise, les Gourkhas instruits de leur force réelle se sont assigné pour programme de maintenir l’indépendance de leur pays et de se réserver pour un avenir plus favorable. Ils n’ont pas renoncé à s’emparer du Tibet, comme l’atteste la grande guerre de 1856 ; vainqueurs, ils ont obtenu du Tibet plus qu’ils n’avaient accordé, vaincus, à l’Angleterre ; suivant l’exemple donné par les nations européennes dans l’Extrême-Orient, ils ont exigé une concession de terrain à Lhasa et l’installation d’un agent diplomatique chargé de