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INTRODUCTION

que par intervalles. Son caractère essentiel et fondamental, c’est qu’elle exclut la dualité, puisqu’elle est l’absolu. Pleine d’être comme elle l’est, elle apporte en se donnant une béatitude qui surpasse l’ancien Nirvâṇa de cessation totale ; la pensée à qui elle s’est donnée jouit du Nirvâṇa-qui-n’est-pas l’arrêt (apratiṣṭhita), elle y a puisé des énergies extraordinaires qui s’écoulent désormais en actions de passivité, où la causalité du karman n’a plus de prise

Mais la Bodhi ne se donne pas du premier coup tout entière au praticien du yoga, au « yogâcâra » ; c’est par un entraînement graduel qu’il s’achemine vers elle pour devenir un « être de Bodhi », un Bodhisattva. Et devenu Bodhisattva il lui faut patienter encore et pâtir d’incalculables périodes avant d’arriver à l’identité définitive, qui est l’état de Bouddha. La carrière du Bodhisattva est répartie en dix étapes, désignées par une antique métaphore mystique sous le nom de « terres » (bhûmis). Les données caractéristiques de ces dix étapes sont dispersées dans le M. S. A. ; il me semble utile de les réunir ici dans un tableau d’ensemble qui aidera à comprendre l’exposé d’Asanga. [V. ci-contre.] Les dix Terres s’encadrent entre une sorte de préface, la Terre de Conduite-par-Croyance (adhimukticaryâ), et une conclusion, la Terre de Bouddha (buddhabhûmi). La Terre de Conduite-par-Croyance est l’entraînement préalable de l’aspirant à l’illumination. À la première Terre, la Joyeuse, il obtient l’intuition, mais une intuition qui s’arrête au vide. Il reconnaît que l’individu apparent est en réalité sans personnalité, et qu’il n’y a pas non plus de personnalité dans les dharma « Idéaux » qui sont les phénomènes du monde spirituel constituant l’objet propre de l’esprit jñanas). Du même coup il saisit leur caractère commun, la dharmatâ ou « Idéalité ». Le voilà donc au-dessus du phénomène, entré dans la généralisation, en route vers l’universel absolu. La discipline ecclésiastique se transfigure aussitôt pour lui ; dès la seconde Terre, l’Immaculée, il se dégage du péché et commence ainsi la série des « évasions » (niryâṇa) qui doivent l’amener au but. La pensée, émancipée des souillures morales est perpétuellement aux extases (dhyâna) et à l’union mystique (samâdhi). C’est alors la troisième Terre, la Clarifiante ; il peut rentrer dans le « Plan (monde) du désir » sans courir de risque, étudier l’Idéal rendu désormais impersonnel, l’éclairer pour