Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/102

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qui jouissait en artiste de ses perfidies, et qui se repentit plus d’une fois de n’avoir pas retenu sa verve sarcastique et son ironie envenimée ! Mais Frédéric II, en se comparant à Marc-Aurèle, voulait simplement faire entendre que, comme lui, il était avant tout soucieux de ses devoirs et prêt à sacrifier sa vie même à l’intérêt de l’État.

Avec le temps, Frédéric aboutit à un éclectisme tant soit peu sceptique et très tolérant. Il avait appris de Wolff à estimer la logique ; de Voltaire, à aimer la clarté et l’esprit ; de Bayle, à ne pas se payer de mots ; d’Épicure à se contenter de la vie, et de Marc-Aurèle à faire son devoir. Je ne crois pas, quoi qu’en dise M. Zeller, que Frédéric ail concilié dans une synthèse supérieure les contradictions impliquées par un tel mélange d’opinions philosophiques, qu’il emprunte aux systèmes les plus divers. Mais ne sait-on pas que les contradictions, qui se concilient si aisément dans le cœur de l’homme, ne s’excluent pas non plus toujours dans sa pensée ? Très rares sont les esprits qui les reconnaissent, et qui en souffrent au point d’oublier tout le reste dans leur effort pour s’en affranchir. Ceux-là sont les philosophes de race ; on en compte peut-être une douzaine par siècle. Frédéric II n’a jamais prétendu être du nombre.


II


En matière de philosophie politique, les idées de Frédéric II sortent de cet éclectisme flottant pour