Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/111

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d’assister ses sujets ; si le malheur l’a forcé de contracter des dettes, c’est aux pauvres citoyens à les acquitter ; en revanche, si le peuple est peu nombreux, s’il croupit dans la misère, le souverain est privé de toute ressource. » Mais Frédéric II n’aurait eu qu’à regarder autour de lui pour voir que les choses se passaient tout autrement dans beaucoup d’états, grands et petits, et que l’extrême misère des sujets n’empêchait pas plus d’un souverain de vivre dans un luxe insolent. La vérité est que Frédéric parle de l’État tel qu’il devrait être, et tel que lui-même s’efforce de le réaliser. « Alors, si l’État est considéré comme une machine, le prince en est le rouage essentiel. Le prince n’est pas un despote qui n’a pour règle que son caprice ; on doit l’envisager comme étant le point central où aboutissent toutes les lignes de la circonférence… Un royaume bien gouverné doit être comme une famille dont le souverain est le père, et les citoyens ses enfants. Les biens et les maux sont communs entre eux, car le monarque ne saurait être heureux quand ses peuples sont misérables… Le prince est à la société qu’il gouverne ce que la tête est au corps ; il doit voir, penser et agir pour toute la communauté, afin de lui procurer tous les avantages dont elle est susceptible[1]. »

Laissons de côté ce qu’il y a de vague et de purement littéraire dans ces comparaisons, les souvenirs du Télémaque (que Frédéric II avait beaucoup lu), et la phraséologie propre au temps : il se dégage de là une théorie très nette, que Frédéric II

  1. 1779. Lettres sur l’amour de la patrie. Œuvres, XVIII, p. 216.