Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/113

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prit public. » À l’appui de la pratique, les légistes apportèrent la théorie. Ils enseignèrent à Halle, d’après le droit romain, que l’intérêt de l’État est la loi suprême ; que l’autorité ne peut, par définition, rien vouloir qui soit contraire au bien de l’État, puisqu’elle ne se distingue pas de lui, et qu’elle est par conséquent au-dessus de toutes les lois civiles et humaines. Halle devint ainsi une pépinière de magistrats, de professeurs, d’ecclésiastiques même pénétrés de l’esprit prussien, et les meilleurs instruments que pût souhaiter le « despotisme éclairé » de Frédéric II.

« Ce gouvernement, dit-il, procure dans ses délibérations le secret qui manque aux républiques ; et les différentes branches de l’administration étant réunies se mènent de front comme les quadriges des Romains et coopèrent mutuellement au bien général du public[1]. — Il faut qu’un gouvernement bien conduit ait un système aussi lié que peut l’être un système de philosophie, que toutes les décisions prises soient bien raisonnées, et que les finances, la politique et le militaire concourent à un même but, qui est l’affermissement de l’État et l’accroissement de sa puissance[2]. » Naturellement, dans cet État, il n’y a point de place pour des assemblées délibérantes, avec lesquelles le secret, la rapidité des décisions et l’unité de vues deviendraient bien difficiles. Frédéric ne veut même pas de conseil des ministres : ce serait du temps perdu. À ses ministres, qui ne sont que des employés supérieurs, Frédéric demande seulement, comme aux autres,

  1. Œuvres, XVIII, 216.
  2. Testament politique.