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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/12

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constitutionnelle, militaire, diplomatique, économique et littéraire de I’Allemagne ; mais nous ne devions pas non plus l’exposer, et nous n’y avons jamais prétendu.

Toute étude sur l’Allemagne moderne devrait sans nul doute commencer par Luther et la Réforme. Nous ne remontons pas si haut. Néanmoins les dates entre lesquelles s’enferme notre travail ne sont pas arbitrairement choisies. Elles marquent deux points extrêmes. Vers 1700, l’idée de la « patrie commune » s’est presque entièrement effacée des esprits. En 1848, au contraire, lorsque le Parlement de Francfort se réunit, le désir de redevenir une nation est universel en Allemagne. L’idée d’unité nationale s’impose, et tout le monde pressent qu’avant peu elle sera devenue une réalité. En un siècle et demi, l’indifférence pour les intérêts politiques de la nation a donc fait place à la passion la plus vive : c’est là l’évolution dont nous avons voulu étudier les conditions et suivre le progrès dans les esprits.

Trois étapes successives s’y distinguent. Dans la première, c’est-à-dire pendant le XVIIIe siècle, l’idée de l’unité nationale, loin de reprendre vigueur, pâlit et s’efface toujours davantage. Le cosmopolitisme domine, au détriment, semble-t-il, de l’idée de patrie. Mais en même temps les écrivains et les philosophes allemands luttent courageusement contre l’influence étrangère et parviennent enfin à s’en affranchir. Ils rendent à la nation conscience de son génie et de son originalité, ils lui inspirent le respect et l’orgueil de sa langue, de son caractère, de sa nature morale, et ainsi se reforme un sentiment national qui parait se concilier sans peine avec le cosmopolitisme du siècle. Bientôt, c’est-à-dire après la chute définitive du Saint-Empire, après léna, après l’invasion