Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/13

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et l’occupation françaises, ce sentiment national prend corps et se condense dans l’idée de la patrie allemande. Enfin, après 1815, — et c’est la dernière période, — une idée nouvelle fait peu à peu son chemin dans les esprits ; on se persuade que, pour devenir vraiment la patrie commune, l’Allemagne devra être non seulement une nation, mais un état puissant, redoutable et redouté, capable de protéger efficacement ses intérêts, et de revendiquer en Europe le rang qui lui est dû. Ainsi se prépare la substitution d’un empire allemand protestant au Saint-Empire romain germanique disparu dans les premières années de ce siècle. En ce sens, c’est bien une Allemagne nouvelle[1].

Dans la première partie de ce travail, des écrivains et des philosophes médiocres ou oubliés, comme Thomasius, Wolff, Gottsched, Gellert et d’autres tiennent une place relativement considérable, tandis que la troisième mentionne à peine des juristes comme Savigny, des poètes comme Uhland, des savants comme les frères Grimm, des philosophes comme Herbart et des historiens comme Ranke. La proportion aurait dû être inverse, si nous avions eu pour objet l’histoire littéraire ou philosophique, ou même l’histoire des idées politiques en Allemagne. Mais le point central vers lequel tout devait converger dans cette étude est l’idée de l’Allemagne une, comme nation, comme patrie, comme état. Tant que cette idée n’est pas apparue, tout écrivain qui contribue à la former, si peu important qu’il soit à d’autres égards, relève de notre sujet ; et cela est vrai surtout des premiers

  1. Nous avons connus trop tard pour en profiter le remarquable livre de M. JAMES BRYCE : le Saint-Empire romain germanique et l’Empire actuel d’Allemagne, avec une préface de M. E. LAVISSE