Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/128

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tzarine, les Pandours et les Croates de Marie-Thérèse, et surtout les Français ! Il n’en fallait pas tant pour éveiller un sentiment d’orgueil national, plus vif sans doute, chez les Prussiens, mais qui se répandit à travers toute l’Allemagne.

La première guerre de Silésie n’avait pas été populaire, même à Berlin. Dans ses lettres à ses amis, Frédéric laisse percer son désappointement. Il se plaint que l’on ne comprenne pas ce qu’il a fait pour la grandeur de la Prusse, et qu’on ne rende pas justice à ses succès dans la diplomatie et dans la guerre. Mais, après la seconde guerre de Silésie, il a gagné les cœurs : on est content et fier de lui. La réforme judiciaire qu’il entreprend, les améliorations de tout genre qu’il poursuit et réalise augmentent l’affection de ses sujets. Il eut l’occasion d’en recueillir les preuves dans cette terrible guerre de Sept ans, dont il ne serait pas sorti sain et sauf sans le dévouement de tous. Dans cet effort suprême, tandis que les forces du royaume se tendaient jusqu’à rompre, l’ardeur patriotique se communiqua aux hommes de lettres et aux poètes. Leurs œuvres nous ont transmis le témoignage de cet enthousiasme presque religieux[1].

Ewald von Kleist était un poète sentimental et idyllique. Son Printemps resta fort admiré jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Les amants de la nature, nous dit un historien, faisaient des pèlerinages dans la campagne avec le Printemps de Kleist dans leur poche. Mais Kleist était en même temps officier dans l’armée de Frédéric II, et admirateur passionné de

  1. Voyez Nicolaï, Anekdoten von König Friedrich II von Preussen. Berlin, 1788.