l’Anacréon », n’était guère propre à donner l’illusion de la poésie populaire. En fait, les pièces de vers composées à l’occasion d’une bataille ou d’un siège étaient un genre connu et même fort cultivé en Allemagne[1]. Les vers latins de nos jésuites peuvent en donner une idée : c’est la même rhétorique creuse et la même élégance conventionnelle. Les pièces de Gleim s’en distinguent pourtant à leur avantage. Sans être exemptes de ces défauts, elles ont du souffle et de la vie. On sent que l’auteur a été vraiment ému à la nouvelle de la victoire qu’il célèbre, qu’il a vraiment tressailli de douleur à la mort des braves qui ont péri, et d’orgueil à la défaite des Russes et des Français. Les meilleures de ces pièces sont un chant de triomphe après la bataille de Lissa (ou Leuthen), et un poème satirique sur la bataille de Rosbach. Trait remarquable : l’auteur triomphe plus encore de la déroute des Impériaux que de la défaite des Français. Sans doute il est fier d’avoir vu fuir devant lui l’armée du plus puissant roi de l’Europe ; mais en quelques vers ce sentiment s’est donné satisfaction. Lorsqu’il s’agit au contraire des troupes de l’Empire et des soldats des électeurs ecclésiastiques, les strophes se succèdent, interminables. Le mépris du Prussien pour ces régiments de pacotille se donne impitoyablement carrière. Dans chaque pièce, Frédéric II est glorifié, — c’est trop peu
- ↑ Les Preussische Kriegslieder de Gleim ont été réimprimés en 1881, avec une introduction par August Sauer, dans la collection des Litteraturdenkmäler des XVIIIten Jahrhunderts. — Voyez aussi Heinrich Pröhle, Friedrich II und die deutsche Litteratur, Berlin, 1872. M. Pröhle est un gallophobe exalté.