mands le sentiment national ; la faveur même qui
accueillait les écrits et l’enseignement de Gellert
est un symptôme assez grave. Dans la vie privée,
Gellert et ses amis étaient des gens aimables, doux,
bienveillants, pleins de charité et de bons sentiments ;
pourtant un contemporain remarquait déjà
« qu’un état composé de Gellerts ne pourrait être
que malheureux[1] ». Gœthe, étudiant à Leipzig, avait
pu entendre Gellert, et son jugement se résume en
une fine anecdote. « Les écrits de Gellert, dit-il,
étaient regardés depuis longtemps comme le fondement
de la culture morale allemande, la salle
était toujours pleine quand il parlait… Il faisait
impression un moment, mais cela ne durait pas,
d’autant plus qu’il se trouvait beaucoup de railleurs
qui savaient nous rendre suspecte cette manière
timide, et, à ce qu’ils disaient, énervante. Je
me souviens qu’une fois un Français, de passage à
Leipzig, s’informa des principes et des maximes de
l’homme qui attirait un si grand concours d’auditeurs.
Quand on lui eut expliqué l’esprit de Gellert,
il secoua la tête en souriant, et dit : « Laissez-le
faire, il nous forme des dupes[2]. »
III
Klopstock est aussi un poète sentimental, mais non pas une nature faible et molle comme Gellert. Deux sentiments dominent son œuvre : le zèle reli-