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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/142

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gieux et l’orgueil national. Le chrétien et l’Allemand en lui ne se séparent point ; c’est pourquoi Frédéric II l’attire et le repousse, et le poète lui en veut, en l’admirant, de ne pouvoir l’aimer[1].

Klopstock appartenait à une ancienne famille de Quedlimbourg, vieille ville impériale du Harz récemment annexée par la Prusse. Il avait reçu dans la maison paternelle l’exemple de la piété la plus profonde, et même la plus exaltée. Son père avait voulu, dit-on, se battre en duel contre deux personnes qui raillaient la religion[2]. Dès le collège, Klopstock se proposa d’écrire un poème qui vengeât l’amour-propre allemand d’une comparaison humiliante avec les autres peuples. « Dès que, dit-il, après un examen attentif de moi-même et sans me laisser séduire par la vanité, je crus avoir remarqué que la nature m’avait donné le talent poétique, je résolus de me hasarder à quelque chose de grand que la nation ne possédât pas encore… — Admirateur enthousiaste d’Homère et de Virgile, je me promis de bonne heure de composer une épopée… Mais, pour le choix du sujet, je demeurai longtemps en suspens. Henri l’Oiseleur, le libérateur des Allemands, eut d’abord mes préférences[3]. »

On reconnaît les sentiments que Gottsched expri-

  1. Voyez dans Biedermann, II, 2, 103-104, les textes qui prouvent que Klopstock, après avoir fondé les plus grandes espérances sur Frédéric II, se détourna de lui par la suite, blessé de son dédain pour la poésie allemande. Il a même changé la dédicace d’une de ses odes, d’abord dédiée au roi de Prusse.
  2. Biedermann, II, 2, 105.
  3. Voyez D. F. Strauss, Kleine Schriften. Essai d’une biographie de Klopstock. Œuvres complètes, t. X. p.29. — Bailly, Étude sur la vie et les œuvres de F. G. Klopstock, Paris, 1888.