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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/154

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en y allant, et se souciait peu, au fond, de ce qu’il deviendrait. Frédéric II, outre l’opéra, entretenait une troupe française qui jouait le mercredi. Le public de la cour, tout noble qu’il fût, restait encore bien grossier. Un contemporain raconte que « ces mêmes seigneurs qui portent des habits de soie à la mode française, de riches vestes et des plumes à leurs chapeaux, ne se gênent pas pour fumerr au théâtre de la façon la plus incommode, et lancent sur la scène de vrais nuages de fumée, au milieu desquels les acteurs disparaissent. » Même au théâtre français de la cour, quand le roi n’est pas là, le tapage de l’amphithéâtre et du parterre assourdit les acteurs[1].

Lessing n’ignorait donc pas qu’il avait à former à la fois un théâtre et un public. Avant de choisir la voie où il les engagerait, il avait longuement réfléchi, comparé, pesé le pour et le contre. Déjà en 1759 il reprochait à Gottsched sa réforme malencontreuse. « Personne, avait écrit un critique, ne contestera que la scène allemande ne doive beaucoup de ses progrès à M. le professeur Gottsched. — Si fait, répond Lessing, je suis cette personne. Je le nie précisément. » Et, poursuivant son réquisitoire, il montre que Gottsched, sous le nom de théâtre allemand, n’a donné qu’une mauvaise copie du théâtre français, sans s’inquiéter si elle convenait bien à l’esprit allemand. « Gottsched, ajoute Lessing, aurait pu apprendre dans ces vieilles pièces allemandes qu’il chassa de la scène, que nous avons plus d’affinité pour le goût anglais

  1. Hettner, IV, 491.