bibliothèque bien meublée. Herder s’y donne à lui-même l’instruction la plus riche et la plus variée. Ce furent des orgies de lecture. Auteurs grecs, latins, français, allemands, il dévora tout, retint tout, s’assimila tout avec une merveilleuse facilité. À l’université de Kœnigsberg, où il étudie la théologie, il garde cette vivacité d’imagination, qui le fait s’éprendre des objets les plus divers. La Bible, la poésie de l’Orient, l’origine du langage, les principes de l’art, la philosophie de l’histoire, les légendes populaires l’attirent et le retiennent tour à tour. Il apprend les langues pour lire les chefs-d’œuvre de tous les temps et de tous les pays dans le texte original, et pour goûter ce qui ne se traduit pas, la couleur des mots et la sonorité des vers. Sans doute il a ses préférences. À ses yeux comme aux yeux de Gœthe et de Schiller, l’art le plus parfait, c’est l’art grec. Mais en même temps qu’il vante l’idéal classique, il exalte le moyen âge et prépare la levée de boucliers des romantiques. Il entre dans l’esprit de la poésie biblique comme personne ne l’avait fait avant lui en Allemagne ; mais il s’enthousiasme aussi pour les chants de guerre des pirates scandinaves et normands. Une autre fois ce sont des chansons d’amour des Finnois et des Lapons qu’il traduit pour leur simplicité et leur fraîcheur, et qu’il envoie à sa fiancée. Plus tard il publiera les légendes des indigènes de la mer du Sud. Il est l’ancêtre de tous les folk-loristes. Sa dernière œuvre sera une traduction du Romancero du Cid. Cette ubiquité intellectuelle est merveilleuse, à une époque surtout où le goût de l’exotisme ne dominait pas encore, et où les littératures vivaient plutôt cha-
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