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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/193

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ingrate, problème difficile, si Herder ne l’eût résolu d’avance avec une singulière hardiesse. C’est dans la nature même du génie allemand qu’il a trouvé la conciliation.


III


Rien n’est plus malaisé, Herder l’avoue lui-même, que de donner la caractéristique générale d’un peuple, et de trouver une formule brève et saisissante pour le définir. Un grand peuple comprend des gens de toute nature, de toutes mœurs, de tout esprit. Et cependant Herder, avec son imagination vive et son goût pour les synthèses rapides et brillantes, se trouve amené insensiblement à se représenter les nations comme des individus. Chacune lui apparaît avec un tempérament propre et une physionomie originale, qui ne permettent pas de les confondre dans la famille humaine. Les mêmes sentiments et les mêmes passions forment le fond de toutes les littératures ; mais chacune les exprime avec des nuances qui lui sont particulières, comme la même note, donnée par un violon, une flûte ou un cor, accuse une différence de timbre qui provient de la nature de l’instrument. Herder se croyait donc en droit de formuler, en quelques traits plus ou moins précis, le caractère et pour ainsi dire l’essence des peuples dont il étudiait la poésie et l’histoire. Le plus souvent, il se contente d’une esquisse sommaire. Quelques épithètes, toujours les mêmes, lui suffisent pour caractériser un peuple au passage.