Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/194

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Il dira volontiers des Français que c’est un peuple de « représentation ». Leur esprit est plus théâtral que sincère, plus porté à la rhétorique que puissant par l’imagination, plus habile dans la convention qu’amoureux de la nature ; il a plus de surface que de profondeur. Pas n’est besoin de s’arrêter à ces esquisses vagues, nécessairement fausses par ce qu’elles ne disent pas, même s’il faut reconnaître quelque vérité à ce qu’elles disent. Herder juge la France d’après son théâtre, et son théâtre, sans doute, d’après Lessing.

Mais dès qu’il s’agit de l’Allemagne, Herder est infiniment plus intéressant. Saisir le vif du génie allemand dans sa langue, dans sa poésie, dans son histoire, dans son art, telle fut la préoccupation constante de cet esprit si mobile et si prompt à changer d’objet. Il y est revenu non pas dix fois, mais cent fois. C’est une œuvre de patience et de précision ; les contours sont nets et précis, le portrait achevé. Aussi bien Herder est loin d’avoir dessiné le premier ce type idéal du caractère et de l’esprit allemands. Déjà, dans Leibniz et dans Lessing, nous en trouvons l’esquisse, et, en cherchant bien, on en découvrirait les traits essentiels chez les humanistes allemands de la Renaissance et chez Luther. Même à l’époque où l’influence française était prédominante ou, pour mieux dire, toute-puissante en Allemagne, Gottsched avait revendiqué hautement l’honneur dû, selon lui, aux caractères distinctifs du génie germanique. Herder recueille toutes ces indications et les fond dans un tableau d’ensemble qui restera fixe désormais. Les Allemands l’adopteront, s’y reconnaîtront avec ingénuité. Aux jours