Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/195

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d’épreuve, ils y trouveront une source de force morale. Convaincus qu’ils sont vraiment les originaux de ce portrait, ils ne perdront pas tout ressort et toute confiance en eux-mêmes. Ils seront prémunis contre l’excès de l’abattement et du désespoir.

« Deux qualités maîtresses, dit Herder, distinguent d’abord le caractère allemand : le courage et la fidélité. » Le courage s’est assez illustré dans les épreuves que l’Allemagne a subies depuis des siècles, et auxquelles toute autre nation, moins énergique, aurait succombé. Par fidélité, Herder entend la sincérité, le respect de la foi jurée, de la parole donnée, l’horreur de la perfidie, du mensonge et de la duplicité. Cette fidélité, plus encore que le courage, est le signe particulier de la nature allemande. Déjà Luther avait dit, et Fichte le répétera, que la véritable origine de la Réforme a été dans la droiture allemande, qui ne pouvait se plier au mensonge italien. « On a voulu, dit Herder, refuser à notre nation bien des mérites de l’esprit… Mais ce que l’on n’a jamais pu contester à ses braves citoyens, à ses héros, à ses bons rois, c’est la bravoure, la fidélité, la bonne foi. Leur parole valait mieux qu’un serment et qu’un écrit contresigné du sceau officiel. Le seigneur se reposait sur ses vassaux et les vassaux sur leur seigneur ; voilà ce que nous trouvons dans les vieux proverbes allemands[1]. » À l’occasion, les contemporains de Herder renchérissent sur cette idée. Schiller, dans une de ses premières poésies, laisse entendre que, le Rhin une fois passé, il ne

  1. Œuvres, XVIII, p. 91 sqq.