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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/31

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ver le Saint-Empire romain germanique, avec tout son passé de grandeur et de gloire, avec ses droits auxquels il ne faut point renoncer. Enfin, serviteur d’un prince qui visait à un électorat, Leibniz n’aurait guère pu, s’il l’eût voulu, attaquer de front la constitution de l’Empire. Aussi bien l’a-t-on représenté parfois comme un partisan du particularisme. La question ne se posait pas de son temps ; mais Leibniz eût sans doute accepté l’épithète, en disant, selon son habitude, qu’on pouvait « l’entendre dans un bon sens ». Fidèle à l’esprit général de sa philosophie, il conciliait évidemment les intérêts généraux de l’Allemagne et l’intérêt particulier du duc de Brunswick. Son patriotisme n’avait rien à souffrir de son dévouement à son maître, non plus que d’une nuance de cosmopolitisme, qui se trahit déjà chez Leibniz, et annonce le siècle qui vient.

Voyez, par exemple, les projets de réconciliation religieuse, auxquels Leibniz a donné une si grande part de son temps. Il ne reculait pas devant l’audacieuse entreprise de ramener à l’union, d’une part, calvinistes et luthériens, d’autre part, protestants et catholiques. Aucun échec ne le rebute[1]. Il ne réussit point, mais un plus habile que lui y eût échoué. D’abord les calvinistes et les luthériens étaient séparés par une haine fraternelle, la pire de toutes ; puis, les uns et les autres étaient incapables de comprendre ce que Leibniz leur expliquait. Le clergé luthérien surtout avait singulièrement dégénéré. Ignorant, borné, fanatique, il s’attachait à la

  1. Leibniz correspondit à ce sujet avec Bossuet à quatre reprises différentes, en 1679, en 1683, en 1691-1695, et enfin en 1699.