Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/33

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que serait-ce, s’il n’y avait plus de protestants dont l’appréhension oblige encore un peu vos gens d’aller bride en main ! » Et Leibniz, impatienté sans doute ce jour-là, se laisse aller à une violente sortie. Mais ce ton ne lui est pas ordinaire. On pourrait plutôt lui reprocher la froideur d’un zèle qui ne se dément jamais. Il regarde tout cela d’un œil de philosophe, et ne communique point la chaleur qu’il n’a pas. Ce n’est pas une foi profonde, un zèle ardent pour la religion qui lui dicte ces lettres : ce sont les avantages politiques de la réconciliation qu’il a en vue. Il songe quel bien ce serait pour l’Europe chrétienne de pouvoir se tourner tout entière contre les barbares et les infidèles : il songe en particulier à l’Allemagne qui, l’union religieuse une fois rétablie, redeviendrait la première puissance de la chrétienté.

A côté de ces vastes projets qui étaient plutôt des rêves, Leibniz en entretenait d’autres plus modestes, et en apparence plus réalisables. Il s’inquiète, par exemple, de ranimer l’industrie allemande, autrefois si florissante, aujourd’hui à peu près morte. Cependant la bonne vieille simplicité allemande a disparu, et on a le goût du luxe : mais c’est un luxe tout français. Rien n’est à la mode que ce qui vient de Paris. De la sorte les matières premières achetées en Allemagne à vil prix y reviennent sous la forme de produits fabriqués, pour être revendus dix fois plus cher « aux pauvres sots qui sont encore trop heureux de les acheter ». Chaque fois que l’Empire est en guerre avec la France, Leibniz suggère l’idée d’une guerre commerciale qui, dit-il, ferai plus de mal à la France que dix armées. Ainsi il